20/12/2021 par Omar Babakhouya

L’inscription au Patrimoine mondial de l’UNESCO en 2015 a propulsé sur le devant de la scène culturelle turque ce monument historique majeur d’Anatolie. Par cette étape décisive, c’est une reconnaissance du caractère universel et de la valeur du site

A cheval entre Orient et Occident, la Turquie regorge d’un riche patrimoine culturel et historique, témoin du passage de plusieurs civilisations à travers les âges. Nichée dans le bassin supérieur du Tigre, Diyarbakir est la plus grande ville de l’Est anatolien. Sa forteresse éponyme porte en elle les vestiges du rôle historique de la ville durant des siècles. Aujourd’hui, le site bénéficie d’une protection juridique renforcée depuis son inscription sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO (2015).

Une forteresse à la hauteur du statut de Diyarbakir

© Mehtan Anik
Municipalité métropolitaine de Diyarbakir.

Ville capitale de l’Est anatolien, Diyarbakir était connue depuis l’Antiquité sous le nom de « Amida », ou encore « Kara-Ami » avant d’être nommée définitivement Diyarbakir en 1938. L’installation humaine sur l’actuelle ville s’est faite il y a 9 000 ans en raison de la fertilité des terres. De plus, le paysage culturel de la forteresse de Diyarbakir et des jardins de l’Hevsel ont joué par le passé un rôle de centre et de capitale régionale au cours des périodes hellénistiques, romaines, sassanides et byzantines, puis islamiques et ottomanes jusqu’à nos jours. Si la construction d’origine date du règne de l’empereur romain Constantin en 349, plusieurs ajouts et retraits ont eu lieu depuis cette époque jusqu’aux vestiges qui nous sont parvenus aujourd’hui. La forteresse et la ville de Diyarbakir sont à bien des égards des sites historiques exceptionnels, comme en témoignent leurs dimensions démesurées. En effet, la ville historique de Diyarbakir est entourée d’une muraille de 5 km et mesure 1 300m du nord au sud et 1 700m d’est en ouest. Les remparts de la ville (appelés en turc Dişkale) sont entourés d’un ensemble de douves, pour la plupart comblées aujourd’hui, profondes de 6m et larges de 15m. Aussi, le principal rempart, parsemé de 63 inscriptions relatant des évènements datant de périodes historiques différentes, démontre la solidité que les architectes ont voulu donner à la ville : le rempart mesure 4 à 5m de large et entre 8 et 12m de haut !

Objectif premier : défendre de la ville 

© Mehtan Anik
Municipalité métropolitaine de Diyarbakir.

Le rôle premier de la forteresse, à savoir la défense de la ville, ne serait complétement assuré sans les 78 tours qui ponctuent les remparts, ainsi que les différentes portes et contreforts. Parmi cet ensemble, trois importantes tours dont la décoration date de la période turque se distinguent par leur bonne conservation. La tour de Ulu Beden (littéralement du haut mur), placée entre les portes d’Urfa et de Mardin, dispose d’une façade encadrée par des aigles bicéphales, deux lions à tête humaine et deux taureaux. De son côté, la tour Yedi Kardeşler (des Sept Frères) porte des similitudes notamment son inscription encadrée d’un aigle bicéphale et de deux lions. Enfin, la Keçi Burcu (tour de la Chèvre), proche de la porte de Mardin, comporte uniquement une inscription arabe en coufique. Ces tours ouvrent l’horizon vers les jardins de l’Hevsel faisant le pont entre la ville et le cours du Tigre, historiquement utilisé pour faciliter l’approvisionnement de la cité en eau et nourriture. La proximité avec le fleuve confère à Diyarbakir une position stratégique singulière en Anatolie de l’est.

© Mehtan Anik
Municipalité métropolitaine de Diyarbakir.

L’accès à la ville se fait essentiellement par les portes principales, les plus importantes d’entre elles se situent aux quatre points cardinaux : la porte du Tigre ou porte Nouvelle à l’est dont le chemin mène vers l’actuel Iran ; la porte d’Harput ou porte de la Montagne au nord menant à la Mer noire et au Caucase ; la porte d’Urfa (Rum ou d’Anatolie) à l’ouest faisant lien avec l’Anatolie centrale et occidentale ; et la porte de Mardin ou Bab al-Tell au sud dont le prolongement conduit vers l’actuelle Syrie. L’ensemble des portes principales d’entrée dans la ville sont ornées de symboles de pouvoir, tels que des dragons bicéphales, des chasseurs à cheval et diverses scènes de combat entre lions et taureaux

Conserver un bien de valeur universelle

L’inscription au Patrimoine mondial de l’UNESCO en 2015 a propulsé sur le devant de la scène culturelle turque ce monument historique majeur d’Anatolie. Par cette étape décisive, c’est une reconnaissance du caractère universel et de la valeur du site, en y incluant le paysage environnant et la proximité avec les rives du Tigre. Les remparts continuent de porter à ce jour les empreintes des dommages subis, ainsi que les phases de réparation et renforcement depuis l’époque romaine, offrant un témoignage exceptionnel, sur le plan physique et visuel des nombreuses périodes de l’histoire de la région. C’est en ce sens que nous pouvons affirmer, en dépit de la destruction en 1930 d’une partie des remparts, que le site se trouve aujourd’hui dans un bon état général de conservation.

Ce maintien de l’intégrité du bien, essentiellement murs et tours de la forteresse, est notamment lié à la protection garantie par la législation turque en tant que « site urbain ».  En revanche, la pression démographique due au développement du centre-ville et les zones entourant le site font peser un risque et une vulnérabilité, de même que les barrages construits en amont du Tigre peuvent altérer à terme les écosystèmes locaux. De nombreuses solutions existent pour préserver le lieu et méritent d’être approfondies, à commencer par le renforcement des zones tampons entre le site historique et le reste de la ville.

Pour aller plus loin

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