08/06/2022 par Amel Aït-Hamouda
Au XVIe siècle, Alger, ville si prisée du pourtour méditerranéen, devient vassale de la Sublime Porte. Un nouveau chapitre de plus de trois siècles se dessine et reçoit le nom de : la Régence d’Alger. Dès le début du règne, les beylerbey ont pour ambition d’édifier de nouveaux renforcements pour la Cité, en menace stratégique permanente. À l’instar des canons, Alger introduit des murailles sous forme de portes. On raconte qu’elles sont au nombre de sept : Bab Sidi Ramdan, Bab Jdid, Bab Azzoun (avec ses deux portes), Bab Dzira, Bab Labhar et Bab el-Oued. Sept Portes ont suffi pour consolider la réputation d’Alger allant jusqu’à bouleverser le destin de ses voisins.
Alger à tambour battant
Ouvrages fortifiés et points de liaison entre la ville et son port, les Portes d’Alger, appelées également les Portes de la Casbah, permettaient protection renforcée et organisation rigoureuse au sein de toute la Citadelle.
Jean Michel de Venture de Paradis[1] rapportait, dans ses carnets de voyages algérois, qu’une organisation exceptionnelle déterminait le quotidien de Mezghenna : de l’ouverture de ses Portes aux premières lumières rosées du matin jusqu’à leur fermeture aux dernières lueurs du crépuscule.
Afin d’ordonner le temps dans la ville, le tambourineur ou le Meddah, se chargeait d’annoncer la fermeture des portes en sillonnant les rues de la Médina, tambour et bâton à la main. L’étranger, el-barrani, quittait la ville et l’habitant, wlid el-casbah, rejoignait sa demeure.
Une fois les Portes fermées, le agha gardait les clefs des trois plus importantes Portes, à savoir Bab el-Djedid, Bab Azzoun et Bab el-Oued. Quant aux clefs des autres Portes, elles étaient confiées au caïd el-Bab, « le gouverneur de la porte ». Puis, dans la soirée, kol aghasï, le « chef de la police nocturne », ainsi que ses officiers effectuaient une dernière ronde dans l’enceinte de la ville. Sans la possession d’une autorisation et d’une lanterne à la main, nulle personne n’avait le droit de se trouver à l’extérieur. Et c’est ainsi qu’Alger était amenée au sommeil pour n’être appelée à reprendre vie qu’au son du muezzin et après la prière du matin, salat al-fadjr.
Cinq, six ou sept ?
Alger est-elle la cité à cinq, à six ou à sept Portes ? Si la dissension continue à persister chez les historiens, la mémoire collective algérienne souhaite raconter que les remparts d’Alger étaient percés de Sept Portes. Oscillant entre 6 et 17 mètres, construites en bois et cloutées de fer, les Portes d’Alger furent établies aux quatre points cardinaux du seuil de la ville. A elles seules, elles furent, pendant longtemps, le symbole du renforcement de la ville et le chemin d’accès vers les rues d’Alger.
Outre ces Sept Portes se trouve une huitième Porte appelée Bab el-Suba’a ou « Porte des lions » située sur l’un des quatre îlots d’Alger ainsi qu’une multitude de portes intérieures, étroites et sans nom, dont l’objectif était de faciliter le déplacement au sein de la Médina.
1. Bab Sidi Ramdan
Construite au IXe siècle et située dans la Haute Casbah, Bab Sidi Ramdan est la plus ancienne Porte d’Alger. Elle sera élargie sous la gouvernance de Hassan Pacha. Son nom fait référence à la mosquée Sidi Ramdan qui se trouve non loin de la Porte.
2. Bab Jdid (la Porte Neuve)
Porte droite et d’une hauteur d’environ 6 mètres, Bab Jdid est la plus récente de ces Sept Portes, d’où le nom jdid, « neuf » en arabe. Après l’explosion du Fort de l’Empereur[1], c’est par cette même porte que l’armée du roi Charles X est entrée le 5 juillet 1830, ce qui marque officiellement la chute de la Régence d’Alger. Elle sera rebaptisée « Porte de la victoire » et surnommée « Porte du bonheur » par les soldats français.
3. Bab Azzoun et ses deux portes
Point de départ des routes de l’intérieur et de ravitaillement pour toute l’Algérie, Bab Azzoun[2] est une porte droite qui comporte deux voûtes. Du fait de sa hauteur de plus de 17 mètres, la Porte Azzoun permettait aux chameaux chargés de denrées d’y circuler aisément. Près de la Porte se fixaient six ganches[3] sur lesquels le bourreau exécutait les condamnés à mort. Sous le règne d’Omar Pacha, six nouveaux ganches seront fixés aux remparts de Bab Jdid.
Porte du triomphe pour les Algériens et porte de la mort pour la flotte du pontificat de Paul III, elle fut comparable à un puissant système de défense contre les assaillants et les émeutiers venus de l’extérieur, car c’est contre Bab Azzoun qu’échouent les avant-gardes, en 1541, de Charles Quint désirant conqurir la ville.
Le récit populaire raconte qu’il pleuvait si fort cette nuit-là que les eaux éteignirent les mèches des arquebuses de l’armada. Refusant la défaite, le chevalier français de l’Ordre de Malte Savignac (Pons de Balaguer) planta sa dague dans la Porte Azzoun et s’écria : « Un jour, nous reviendrons ! ».
Les Maures répondirent à son courage : « si, par malheur, Alger était prise, ça ne serait que par des soldats vêtus de rouge », prophétie qui se réalisera trois siècles plus tard lors de la conquête du Maréchal de Bourmont, vêtu de rouge.
4. Bab Dzira (Porte de l’île)
El-Dzira, un mot aux deux interprétations : pour certains historiens, en l’honneur de Bologhin ibn Ziri as-Sanhaji, le fondateur de la dynastie amazighe des Zirides. Pour d’autres, en référence à el-djazira, l’ensemble des îlots d’Alger.
La Porte s’ouvrait sur la mer. Cependant, sa localisation, aux abords du Peñon, mettait Bab Dzira en confrontation quasi permanente avec le feu des canons. Au lendemain de l’occupation française, la Porte sera démolie et deviendra la Place du Gouvernement.
5.Bab Labhar (Porte de la mer)
Également connue sous le nom de « Porte de la Douane », Bab Labhar se situait au sud de de la Mosquée de la Pêcherie et donnait sur l’Amirauté. Trait d’union entre le port et sa ville, la Porte fut construite pour fortifier le port d’Alger et faciliter le passage du commerce maritime.