16/09/2020 par Diane Laurent

Ville caravanière, Yazd s’est trouvée au carrefour des itinéraires, reliant les quatre coins de l’Iran, et a construit sa prospérité autour de son commerce, notamment de soie. Capitale de la province du même nom, la ville est située sur le plateau central de l’Iran. A une altitude de 1200 mètres, elle est entourée de lacs salés et de plaines désertiques. Inscrite au patrimoine de l’humanité  depuis  2017, Yazd est l’une des plus anciennes villes au monde. Outre ses qualités historiques, la ville s’est développée en parfaite harmonie avec son environnement naturel. Elle est aussi un exemple intéressant de cohabitation inter-confessionnelles. En effet, trois religions y coexistent en bonne entente : l’islam, le judaïsme et le zoroastrisme. Un ensemble de caractéristiques qui la rendent unique et digne d’intérêt encore de nos jours

Construite en terre, la ville a su préserver son centre historique face aux différentes vagues de modernisation urbaine qui ont détruit plusieurs villes ce ce type

Yazd, une ville à la renommée séculaire

La ligne d’horizon de Yazd est reconnaissable entre toutes et unique parmi les villes historiques d’Iran. En effet, construite en terre, la ville a su préserver son centre historique face aux différentes vagues de modernisation urbaine qui ont détruit plusieurs villes ce ce type. Au-dessus de la multitude de toits traditionnels en briques de terre jaunes affublés de leurs tours à vent (bâdgir), se dressent un grand nombre de minarets qui figurent parmi les plus hauts du pays.  C’est le cas des minarets de la Grande Mosquée de Yazd (Masjed-e Jame’) qui surplombent la ville de leurs 48 mètres de haut. Fondée au XIVème siècle, la mosquée se distingue par  des décorations intérieures en faïence turquoise caractéristiques du style azéri, populaire entre la fin du XIIIe siècle et l’apparition de la dynastie des Séfévides au XVIe siècle.

Le complexe Amir Chakmaq

La ville garde également des traces de sa place stratégique sur la route de la soie. En effet, le complexe religieux Amir Chakmaq fondé au XVème siècle en est un exemple phare. Le site se compose d’un caravansérail et d’un hammam, éléments incontournables de toute étape marchande. Il comprend également un tekyieh, lieu de commémoration de l’Imam Hossein dans le culte chiite, remarquable pour ses loggias sur trois niveaux.

Le jardin historique de la ville Dolat Abad par sa fonction est également un témoignage vivant d’une ville qui s’adapte parfaitement à son environnement. Datant de 1750, il  constitue un exemple parfait de jardin persan : un pavillon devant lequel s’étend l’allée principale longeant un large bassin d’eau et des vergers. Le pavillon est d’ailleurs orné de la plus haute tour à vent d’Iran avec ses quelques 33 mètres de hauteur. Les tours à vents (bâdgir) sont des aménagements caractéristiques des habitats traditionnels d’Iran. Elles sont destinées à créer une ventilation naturelle et efficace pour lutter contre la chaleur.

La ville face à la pluralité religieuse

Trois principales religions cohabitent au cœur de Yazd : l’islam, le judaïsme et le zoroastrisme.

La ville est le cœur spirituel de la communauté zoroastrienne. Le zoroastrisme est une religion monothéiste, centrée autour de la vénération du feu, du dieu Ahura Mazda et de son prophète, Zoroastre (ou Zarathoustra). Sa présence en Iran est antérieure à l’arrivée de l’Islam au VIIe siècle, puisqu’elle constitua la religion officielle de l’empire perse. En dépit de l’immigration massive de ses adeptes à l’étranger notamment en Inde et vers la capitale, Yazd demeure le centre de la communauté zoroastrienne iranienne. On y trouve en effet la plupart des sanctuaires et cinq centres de pèlerinage fragmentés dans le désert environnant la ville. 

La Tour du silence à proximité de Yazd

La Tour du silence (Dakhma) est le plus remarquable d’entre eux. Cette structure circulaire est dédiée à la pratique funéraire des zoroastriens. Elle permet au corps du défunt de ne pas se décomposer à même le sol, mais d’entrer en putréfaction en hauteur. Cette pratique funéraire est aujourd’hui interdite dans le pays.

Notons également la présence de l’Âtashkadeh (temple du feu) qui perpétue le culte du feu. Il s’agit d’un des huit seuls temples de ce rang au monde, et du seul ne se situant pas en Inde. Malgré la fragilité de la communauté zoroastrienne en Iran et son émigration, la culture iranienne garde des traces majeures de cette religion notamment dans la pratique du nouvel an iranien (Norouz), inscrit sur la liste de du patrimoine culturel vivant de l’UNESCO depuis 2010. 

Outre la Grande Mosquée, la ville abrite également d’autres monuments du chiisme iranien, notamment le mausolée des douze imams, construit en 1037. Il constitue ainsi le bâtiment le plus ancien de la ville.

La ville comprenait il y a encore quelques décennies, une communauté juive relativement importante mais la ville a vu le départ d’une grande partie de cette population après la création de l’Etat d’Israël en 1948.

L’usage de briques de terre dans la construction des bâtisses, les tours à vents (bâdgir) et l’existence de cours intérieures abaissées dans le quartier historique sont autant d’exemples d’une adaptation réussie au climat et à l’environnement naturel aride de Yazd

Qanats et tours à vents, exemples d’une adaptation environnementale réussie

Depuis sa création et surtout son développement sous l’ère sassanide (224-651 après J.-C.) Yazd a multiplié les techniques et infrastructures pour créer un microclimat en accord avec l’environnement aride et désertique dans lequel elle évolue. L’usage de briques de terre dans la construction des bâtisses, les tours à vents (bâdgir) et l’existence de cours intérieures abaissées dans le quartier historique sont autant d’exemples d’une adaptation réussie au climat et à l’environnement naturel aride de Yazd. De plus, les hauts murs d’argiles surmontés d’arches permettent également de contribuer à la création d’un microclimat agréable à vivre au sein de la Vieille-ville.

Quant à l’eau, elle est acheminée à travers des qanats, un réseau de tunnels souterrains dont les dimensions et pentes spécifiques permettent le transport de l’eau à travers la simple force de la gravité. Les Qanats sont un témoignage unique de l’adaptation d’une population à un climat sec et désertique, non seulement par l’exploitation raisonnable des ressources naturelles mais également par sa perduration dans l’activité contemporaine de ces régions, et notamment de la province et ville de Yazd. Il s’agit également d’une prouesse technique, dont la première apparition remonte au premier millénaire avant J.-C. dans le nord-ouest du plateau iranien. 

Yazd ne se démarque pas uniquement par son importance dans l’histoire de l’Iran et le niveau de préservation exceptionnel de son patrimoine architectural. En effet, une étude plus approfondie de sa population et des infrastructures de Yazd nous révèle la modernité impressionnante de la ville et des techniques ancestrales qu’elle perpétue dans son exploitation des ressources naturelles et de l’organisation urbaine optimale adaptée au milieu désertique grâce au système de qanat, aux tours à vents et aux cours abaissées, qui créent un microclimat agréable à vivre. Elle constitue également un exemple de cohabitation en bonne entente des religions musulmanes, judaïques et zoroastriennes. Un exemple inspirant et d’une actualité importance face au défi du réchauffement climatique.


Pour aller plus loin :

https://whc.unesco.org/fr/list/1544

https://www.britannica.com/place/Yazd

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