Le 17/06/2020 par Selma Laghmara
On a souvent vu dans le territoire Palestinien un terrain de jeu funeste, une scène conflictuelle et déchirante. La Palestine géopolitique ; celle des murs et de l’expansion coloniale, a souvent obstrué l’existence d’une Palestine culturelle et patrimoniale, une Palestine qui sous les gravats et les décombres porte un héritage méconnu. Au-delà des entreprises de reconnaissance institutionnelle et internationale, c’est dans ses fondements qu’elle trouve une légitimité historique. En 1964, la création de l’Organisation de libération de la Palestine, marque un nouveau temps patrimonial. Les Palestiniens se réapproprient l’écriture d’un récit national, revendiquant une autodétermination politique, territoriale, narrative et patrimoniale. S’émancipant de l’objectification historique dans laquelle ils ont été fossilisés, c’est de leur langage et leurs existences que naît une production artistique qui réinventent l’iconographie palestinienne et ses modèles de représentations, comme autant d’affirmation de leur existence.
Il s’agit, ici, d’interroger à la fois les femmes, et leur rapport au paysage, à la terre, au patrimoine naturel, culturel et vivant mais également la façon dont elles y sont étroitement associées. Le corps féminin est une synecdoque territoriale ; les fondements mythologiques des cultures indo-européennes conscientisent un lien conventionnel et universel entre la terre, le territoire et le corps de la femme. La Terre, en tant que figure féminine par excellence, est intrinsèquement liée à l’idée de maternité.
C’est dans cet écho, cette intimité entre la conceptualisation civilisationnelle de la Terre et celle de la féminité, que la théorie éco féministe prend ses sources. Ce courant se construit sur l’analogie tissée entre l’oppression des corps féminins, et les économies extractrices exploitant la terre et les paysages, considérant qu’il existe des similitudes entre les systèmes de domination qui les épuisent. Les débuts de l’entreprise coloniale et le développement des sciences et de la technique, changent la nature, de ce lien conceptuel, entre la femme et la nature ; à la sacralisation craintive, s’est substituée une entreprise de disciplinarisation de la nature par la science. Le savoir technique s’est mué en un instrument de domination ; bastion d’une économie masculine, contraignant les femmes à un état de sujétion passive qui alimente un antagonisme pernicieux.
Cette déification dissimule une réification rampante qui nourrit l’imaginaire colonial européen; celui d’un environnement objectifié et inerte, une matière dévitalisée qui doit être asservie et « modelée par les arts mécaniques » selon les mots de l’historienne Carolyn Merchant. L’analogie n’est plus celle d’un corps nourricier à honorer, mais celle d’un corps vierge à conquérir et posséder.
Au Proche et Moyen Orient, la récente recrudescence des conflits, et ces impacts malheureux sur la préservation du patrimoine ont vu la paradoxale renaissance d’un engagement féminin, au premier plan de la conservation du patrimoine. Le Patrimoine a été le terrain d’une légitimation de l’action féminine mais également une tribune pour ces revendications. Face au « péril patrimonial », la femme semble avoir une responsabilité sociale particulière au sein des communautés palestiniennes les plus rurales.
La chercheure Syreen Forest trouve les racines de ce devoir implicite, dans ce qui s’apparente à une ontologie féminine, et écrit: « Ce rôle social assigné aux femmes, érigées en gardiennes des traditions, des coutumes, de la langue, de l’identité – de la culture d’une société dans son ensemble – est un topos récurrent dans l’imaginaire social et politique. Dans ce cadre, les femmes sont perçues comme les principaux vecteurs de transmission de ce patrimoine culturel dont le but est de produire et de reproduire les communautés nationales.»
Ces femmes sont liées aux symboles les plus consubstantiels de l’identité palestinienne. Il y a un lien singulier des femmes palestiniennes à l’espace, la terre et la végétation. Un attachement qui remet en jeu cette « imagerie vitaliste » associant la terre à une « féminité bienfaisante, sensible et nourricière ». Cette relation presque métonymique des femmes palestinienne à la terre trouve son illustration la plus évocatrice, dans le rapport que celles-ci entretiennent aux arbres d’oliviers. Au-delà de leur dimension fondatrice et pacificatrice, l’olivier est un symbole de longévité, d’espérance, de paix, de fécondité, de force et de victoire ; autant de mots qui résonnent de manière particulière au sein d’un territoire morcelé par l’occupation.
Si la femme est perçue comme la déesse mère et nourricière, garante des coutumes et des traditions elle est également source de la vie ; elle n’est pas tant le réceptacle neutre du génie masculin, que créatrice à part entière. Les femmes, est a fortiori les femmes palestiniennes, sont également des artisanEs ; féminisation hasardeuse et trop rare qui dissimule le trésor d’inventivité et d’initiatives qui fleurissent depuis quelques années au sein de cette communauté ; palestinienne et féminine.
Pour aller plus loin :
- Carolyn Merchant, Earthcare, Women and the Environment, New York, Routledge, 1996.
- Rasha Salti et Geneviève Houssay, « Palestine : Territoire, mémoire, projections », 2017
- Syreen Forest, « Les femmes et la préservation du Patrimoine au Proche-Orient », 24/06/19
- Reclaim the Earth: Women speak out for Life on Earth, édition établie par Stephanie Leland & Leonie Caldescott, The Women’s Press Ltd, 1983
- Françoise Flamant, Women’s Lands. Construction d’une utopie. Oregon, USA, 1970-2010, iXe, 2016
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