Le 23/01/2020 par Amel Boulakchour

 

Anciennement connu sous le nom de « Dûr-Sharrukîn » ou la « forteresse de Sargon »,  la ville irakienne de Khorsabad est l’un des sites emblématiques de l’héritage assyrien au Proche-Orient. La ville moderne de Khorsabad est située à 15 km au nord de Ninive et de Mossoul sur les ruines de l’ancienne capitale du roi Sargon II (721-705 av JC). C’est lui qui décide après son accession au trône en 722 de créer une nouvelle capitale. Il choisit pour cela, le petit village de Maganuba. Le site de construction n’est pas dû au hasard et présente des atouts géographiques considérables. Située au pied du mont Musri, la vallée fertile dans laquelle la ville trouve ses fondations, permet de développer une agriculture conséquente et la faible densité de population, d’affirmer un renouveau.

Une rupture qui marquera le règne de son créateur, un roi considéré comme illégitime et qui réussit à imposer son règne par la force après avoir déposé son prédécesseur Salmanazar II. Il devient alors le créateur d’une dynastie nouvelle : les Sargonides. La construction du site s’intègre dans un processus de création d’une capitale propre à un règne comme celui de Kalkhu ou Ninive avant lui.

Si la ville est créée par le roi assyrien pour affirmer la grandeur de son règne, elle va également s’éteindre avec lui. Après sa mort, la capitale devient Ninive et Dûr-Sharrukîn est peu à peu abandonnée. Malgré cela, plusieurs fouilles successives d’abord françaises, puis américaines et enfin irakiennes ont permis de documenter de manière précise l’histoire de cette capitale assyrienne. C’est d’ailleurs l’un des premiers sites antiques a faire l’objet d’une campagne ambitieuse de fouilles. Les premières excavations sont effectuées par le Français Pierre Emile Botta sur fond de rivalité franco-britannique au XIXe siècle. Aujourd’hui, les traces de ces explorations sont visibles en Europe notamment en France au sein du département des antiquités du Louvre ainsi qu’au sein du British Museum de Londres.

La découverte de cette ville a également permis de poursuivre les efforts de traduction et de compréhension de l’akkadien ( langue éteinte, parlée en Mésopotamie entre le IIe et le Ier millénaire av JC) et de son écriture cunéiforme. La langue parlée et écrite de Khorsabad est un héritage qui a perduré. En effet, c’est cette langue sémitique qui donna naissance à l’assyrien et le babylonien.

Khorsabad : la symbolique d’une capitale royale

L’acte de fonder une ville nouvelle et d’en faire sa capitale n’est pas anodin. C’est une rupture à la fois idéologique avec son prédécesseur (Salmanazar II) qui se traduit physiquement par un changement de capitale, mais aussi par la création d’une organisation urbaine nouvelle. Une structure à étage avec à son sommet : le palais du roi,  reflétant ainsi la hiérarchie politique imposée par le nouveau souverain.

Cette ville a été construite dans un but précis : adresser un message de renouveau et de supériorité vis-à-vis des prédécesseurs. Il s’agit d’une géographie stratégique. Rien n’est laissé au hasard : la géographie du terrain, l’emplacement ou encore la construction des édifices sont l’objet d’une réflexion particulière.

La symbolique est forte, c’est celle d’une capitale nouvelle, qui signe le commencement d’une dynastie nouvelle. Le nom de la ville consacre cette volonté de renouveau. Dûr-Sharrukîn signifie littéralement « forteresse de Sargon ». La ville est alors directement rattachée au nom de son constructeur. Le palais, surélevé par une terrasse artificielle, domine de 12 mètres le reste de la ville. Une géographie réfléchie qui symboliquement réaffirme la supériorité royale et accorde un place centrale à la religion dans la cité. Ainsi, le temple de Nabû voué au Dieu de l’écriture est le plus important de Khorsabad.

L’origine de l’urbanisme au Proche-Orient

Construit au premier millénaire, Dur-Sarrukîn, est en effet l’un des premiers exemples de projet d’urbanisme dans son sens moderne avec la création d’une ville au plan urbanistique très réfléchi. La cité est construite comme une ville administrative. La citadelle fortifiée, au nord de la ville, est gardée par les taureaux ailés, édifices, aujourd’hui, visibles au musée du Louvre. En contrebas du palais, on trouve des bâtiments administratifs dédiés aux hauts fonctionnaires du royaume.

La cité est construite sur plusieurs étages. Chaque partie est sécurisée par des murailles qui permettent de contrôler la ville de toutes attaques extérieures. La muraille qui entoure la ville de 300 hectares est longue de sept kilomètres et possède sept portes dédiées à des divinités. Sur chacune de ces portes un génie protecteur, un lamassu, protège la ville. A Khorsabad, ce génie est symbolisé par un taureau aillé à tête humaine. Une représentation courante dans le Proche-Orient assyrien.

L’intérieur du palais est également symptomatique d’une projet urbain réfléchi et symbolique. En effet, le palais est divisé en deux secteurs : le babanu qui est le secteur officiel dans lequel on retrouve notamment les salles administratives et le bîtanou, le secteur plus privé du palais. La distinction entre espace de travail et espace privé est donc déjà présente. A cela, s’ajoute une distinction entre le sacré et les espaces de la vie civile, les temples se trouvent à l’extérieur du palais dans des zones dédiées. Ces deux parties sont séparées par la salle du trône qui demeure le centre du palais comme pour exprimer la place centrale du roi dans cette cité nouvelle.

Sargon s’érige alors en stratège d’une capitale qui se veut d’abord être un lieu sécurisé, impossible à pénétrer pour les ennemis du royaume et de surcroît béni des dieux. Malgré des plans réfléchis et rationalisés, la ville n’a jamais été totalement achevée et habitée que partiellement. La mort de Sargon en 705 av JC arrête les travaux et la ville est peu à peu abandonnée.


Pour aller plus loin :

admin