Le 04/12/2019 par Omar Babakhouya

 

« Al Majalis Madaris » dit le proverbe arabe, ce qui signifie « les Majalis sont des écoles ». Le Majlis, singulier de Majalis, signifie littéralement « lieu où l’on s’assoit », une assemblée ou un conseil. Il s’agit d’une pratique traditionnelle dans la péninsule arabique consistant à rassembler un ensemble de personnes autour d’un hôte. Dans cette région, le Majlis est partie intégrante de la vie en société, une manifestation de solidarité et d’hospitalité entre hôtes et visiteurs. Au sein des communautés, il est un lieu privilégié d’échange, de transmission du savoir et des histoires familiales, de réception lors d’événements tragiques ou joyeux. Le Majlis est bien souvent mis en place par une personne influente, le leader d’une communauté, d’une principauté ou un Cheikh par exemple. Par son influence, le rôle de celui-ci revient à recevoir les différentes requêtes de personnes et tenter d’y répondre.

L’emplacement, le déroulement et la fourniture du Majlis obéissent à des héritages traditionnels, emprunts de modernité. La diversité des Majalis, selon l’environnement et la fonction, témoignent de l’adaptation locale d’une pratique ancienne répandue dans la péninsule. Aujourd’hui, à la faveur d’une initiative conjointe des Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, Oman et le Qatar, le Majlis est inscrit sur la Liste du patrimoine immatériel de l’Humanité (UNESCO), symbolisant le dialogue interculturel.

Les leaders de communauté accordent un soin particulier quant à la construction du Majlis, sa décoration et son emplacement dans la maison ou le palais, le quartier ou encore la tente pour les nomades. Dans ce dernier cas, le Majlis peut également être construit à l’ombre des grands arbres d’Acacia, entouré de trois côtés de feuilles pour protéger ses hôtes du sable et du vent. Auparavant, on utilisait des tapis d’osier souple, des canapés et coussins brodés, une jarre d’eau et des tasses à café pour meubler l’espace. Pour les Majalis des chefs de tribus et marchands, les fournitures étaient bien plus luxueuses. Le Majlis comporte habituellement une cuisinière ou un feu pour la préparation du café. Dans les grands Majalis, une personne est chargée de préparer le café arabe, le Muqahwi, aidé par les plus jeunes pour servir les invités. Ces derniers varient selon l’environnement et la fonction du Majlis.

Répandu dans la péninsule arabique, le Majlis revêt différentes formes et fonctions qui peuvent s’appréhender par le prisme de l’environnement, et l’utilisation faite du Majlis.

D’abord, trois types de Majalis existent selon la région :

– Il existe les Majalis des habitants de la côte. Celui-ci est traditionnellement en plâtre et boue, sans oublier qu’un bateau peut également servir de Majlis. Les communautés s’y rassemblent pour y discuter de la pêche, de la navigation en mer et du commerce des perles.

– Les Majalis existent également dans le désert, aménagés par les Bédouins sous deux formes. Il peut s’agir d’un rassemblement à l’air libre autour d’un feu ou d’un Bayt Al She’r, c’est à dire d’une tente faite de pelage de chèvre. Les Bédouins y échangent des histoires de la vie quotidienne.

– En montagne, le Majlis s’organise généralement autour d’un point et sert à discuter et se concerter quant au partage des ressources de la communauté telles que l’eau et les pâturages.

Par ailleurs, la diversité des Majalis est aussi perceptible par le prisme de leur fonction :

–  En premier lieu, le Majlis des marchands est un canal pour lever des fonds pour une entreprise marchande et négocier le prix des perles notamment à la fin de la saison de plongée.

– En deuxième lieu, les Majalis de justice sont chargés de régler les différends entre marchands devant des juges reconnus.

– En troisième lieu, les Majalis des anciens sont ceux se réunissant autour d’un Cheikh. Tout cheikh dispose de son propre Majlis ou conseil où se réunit la communauté pour échanger et résoudre un certain nombres de problématiques oralement.

Il est à noter que durant le mois du ramadan, des Majalis fleurissent presque dans tous les quartiers pour y vivre un moment convivial entre amis ou en famille. Aussi, les femmes disposent de leur propres Majalis, notamment à caractère intellectuel et littéraire. Le Majlis abrite également des activités de divertissement comme la récitation de poèmes, d’histoires et de contes populaires

La tradition du Majlis existent dans les sociétés de la péninsule arabique depuis des siècles. Aujourd’hui, plusieurs pays partagent un attachement à ce trait de patrimoine de l’Orient arabe, bien qu’ils lui accordent différentes dénominations : la Diwaniya au Koweït, Majlis en Arabie saoudite, la Barza aux Émirats arabes unis, al Sabla en Oman et al Meyles au Qatar. C’est en ce sens qu’en 2015, une initiative internationale des quatre derniers pays a proposé une reconnaissance du Majlis comme un espace culturel et social et un patrimoine immatériel à préserver. Une démarche qui aboutit en 2015 à la reconnaissance par l’UNESCO du Majlis comme élément du patrimoine mondial de l’Humanité. En 2018, l’UNESCO accueille une exposition autour du Majlis, conçu comme une vitrine du dialogue interculturel et de l’influence croisée des cultures musulmanes, chrétiennes, juives et boudhistes notamment. Cette reconnaissance internationale a en effet favorisé la mise en place de mesures de sauvegardes par les autorités en question. La Cour du Sultan d’Oman verse, à titre d’exemple, une aide financière aux projets de construction ou de rénovation des Majalis.

Par l’intégration du Majlis au patrimoine mondial de l’Humanité, la communauté internationale reconnait la valeur de cet héritage. A travers l’Histoire, les Majalis ont toujours joué un rôle important dans la vie économique et sociale des diverses communautés au sein de la péninsule arabique. En ce sens, le Majlis est un patrimoine se transmettant d’une génération à l’autre, il est aussi, un lieu de socialisation et d’éducation pour les plus jeunes. Ces derniers se rendent de plus en plus indispensables dans la gestion des Majalis, notamment en raison de l’introduction d’un certain nombre de technologies dans cet espace. Ils y apprennent à écouter, négocier, résoudre les différends, assimiler les valeurs de la communauté mais aussi à se divertir. C’est là où le proverbe arabe «Al Majalis Madaris» prend tout son sens, un dicton qui révèle la richesse de la langue et de la poésie arabes.


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