Le 09/04/2020 par Amel Boulakchour

Souvent oubliés, les sites antiques d’Afrique du nord ont aussi joué un rôle majeur dans le développement de l’Empire romain. L’exemple le plus saisissant est celui du site de Leptis Magna en Libye inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1982. Situé à 120 km à l’est de Tripoli, c’est l’une des plus grandes villes de l’Empire romain en Afrique du Nord. Construite au VIIe siècle avant J.-C par les phéniciens, elle demeure jusqu’à aujourd’hui un joyau historique de la Libye. Son nom la distingue de Leptis Minor (située en Tunisie dans la région de Sousse) et reflète la grandeur de la cité. Ce titre de Magna (grande) prendra notamment tout son sens sous le règne de l’empereur Septime Sévère (193-211).

Une cité exceptionnelle

Fondée par les colons de Tyr (Liban), ces derniers ont légué à la ville un emplacement typique de celui que ce peuple choisissait traditionnellement pour ces villes : à l’embouchure d’un fleuve. C’est le fleuve de l’oued Lebda qui va voir fleurir sur ses rives la construction d’une des villes les plus imposantes d’Afrique du Nord. Passée sous domination phénicienne, carthaginoise, puis sous l’empire de Massinissa pour enfin être annexée à la province romaine d’Afrique, sa population est également un exemple de l’intégration des peuples nord-africains dans l’Empire romain. Cette intégration est notamment rendue possible grâce à la construction d’une ville qui ressemble en tout point à celle de Rome, notamment au travers de son architecture. En effet, la ville va être dotée de tous les éléments architecturaux typiques de l’Empire romain. C’est une ville complète qui comporte tous les éléments nécessaires à une ville prospère : temple, basilique, forum, thermes, cirque, amphithéâtres, hippodrome et nymphées. Ainsi, aucune ville du bassin méditerranéen n’est comparable à Leptis Magna.

Souvenir de l’époque gréco-romaine, le premier théâtre romain en terre africaine est érigé dans la ville en 56 après J.-C et est situé à l’est de la ville. Il présente une forme originale, composée de deux demi-cercles qui correspondent à deux théâtres, qui se font face. Dans la ville, l’amphithéâtre prend une dimension grandiose. En dépassant, les 12 000 places, il devient de facto l’un des plus grands de la Rome antique. Tout comme les thermes romains d’Hadrien d’une surface exceptionnelle de 3 hectares, cet emblème de l’Empire romain est construit en 137 après J.-C et est fortement inspiré par ceux présents à Rome.

La cité marchande de l’empereur Septime Sévère ( 193-211)

La présence du marbre dans toute la ville renforce son prestige. L’une des caractéristiques de la ville, est la présence en abondance de cette roche, sur les monuments, les statuts ou encore le mobilier. Un matériau luxueux qui sera pillé par la suite et revendu aux français lors d’une expédition. Un marbre qui a notamment servi à la construction de monuments en France sous Louis XIV. Cette roche a surtout permis de faire connaître la ville pour le travail de cette matière noble en contribuant au développement de l’activité marchande de la ville.

Le port, parachevé sous le règne de Septime Sévère, revêt également une importance capitale grâce à sa situation géographique stratégique qui permet de relier le bassin méditerranéen au reste du continent africain. Un avantage comparatif qui va se développer et se renforcer au fil du temps en facilitant les échanges commerciaux de la cité avec l’extérieur. La culture de l’olivier connaîtra notamment un grand succès en transformant la ville en un centre majeur de production d’huile d’olive. Une richesse exportée à travers le monde entier grâce à son port.

L’empereur, Septime Sévère contribuera définitivement au fleurissement de la ville en la portant à son apogée. Il fait notamment construire la grande basilique et décide de la rénovation en profondeur des thermes. La ville par son faste et sa richesse deviendra une redoutable concurrente de Rome dans tous les domaines. L’Arc de Septime Sévère, érigé à la gloire du dirigeant en 203 après J.-C, en est le symbole. Cet arc de triomphe à quatre faces toujours debout aujourd’hui mesure plus de 20 mètres de hauteur.

Une cité menacée

A une période d’apogée et de rayonnement succède une période de déclin qui mènera la ville à sa chute. Un déclin encore inexpliqué par les historiens. Le port est alors abandonné et les monuments subissent le même sort, ensevelis sous le sable du désert libyen. La ville est complètement désertée au moment des invasions arabes qui la feront disparaître. Elle réapparaîtra, comme beaucoup de villes romaines, lors des expéditions coloniales du XXe siècle. C’est Mussolini qui va subventionner les expéditions archéologiques dans une Libye sous colonisation. Une présence italienne qui restera centrale dans la préservation du site.

Redécouverte au XXe siècle dans un état de conservation particulièrement exceptionnel, Leptis Magna laisse un héritage considérable. Toutefois, depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, la situation sécuritaire du pays n’a cessé de se dégrader mettant en danger la préservation du trésor libyen. En 2016, le site a rejoint la liste du patrimoine en péril de l’UNESCO. Les affrontements armés et l’érosion menacent chaque jour la survie de cet héritage unique. Aujourd’hui la préservation de Leptis Magna est en grande partie permise grâce à l’action des communautés locales qui luttent coûte que coûte pour la préservation de leur patrimoine.


Pour aller plus loin :

  • M.Baccar et F.Souq, rapport de la mission de suivi réactif aux sites archéologiques de Sabratha et Leptis Magna. 2007, Unesco
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