22/03/2022 par Morgane Desboeufs 

« Nul ne peut se rendre à Tunis sans se perdre dans le dédalle de ruelles que présente la médina de Tunis. Au cœur de la capitale tunisienne, cette dernière demeure un témoignage du passé encore vivant et le cœur battant de la vie de ses habitants. Il est, en effet, frappant de constater que malgré la vie moderne ce lieu conserve le temps et ne semble pas l’avoir laissé s’échapper ». 

Contexte:

Si, en arabe, le terme « médina » est utilisé pour désigner la partie ancienne d’une ville – par opposition aux quartiers modernes qui se sont développés par la suite – celle de Tunis a pour particularité de réunir vie contemporaine tout en étant le témoin du passé et synonyme de continuité. 

Située au nord-est de la Tunisie, à proximité de la mer, dans une plaine fertile, d’une superficie de 270 hectares, son histoire remonte à un petit village berbère, dénommé Tynés, dont nous avons trace dès le IVème siècle avant J-C.

C’est, néanmoins, lors de la conquête arabe, à la fin du VIIe siècle (698 ap. J-C), que la médina se développe et prend son essor. Après avoir pris en siège la Carthage romaine, le gouverneur omeyyade Hassan Ibn Numan décide de s’établir dans le petit village et d’y fonder ce qui deviendra l’actuelle médina. Ce choix est stratégique par sa position géographique idéale, car elle est séparée de la mer par le lac El Bahira qui la protège des flottes chrétiennes et des attaques terrestres. Devenant, par la suite, la capitale du royaume des Hafsides de 1229 à 1574, elle sera considérée, à cette époque, comme une des villes les plus importantes et les plus riches du monde islamique.

Tracé de la Médina de Tunis

La médina, construite sur la base d’une forme ovale, est délimitée par une muraille et dominée par une Kasbah, siège du gouvernement des différentes dynasties qui s’y sont succédé. Cette dernière abrite une véritable ville administrative possédant sa propre mosquée, la mosquée des Almohades. 

L’ensemble comprend, la médina centrale (VIIIe siècle) et deux faubourgs qui se sont développés au XIIIe siècle : Bab Souika au nord et Bab el Jazira au sud. Elle regroupe près de 700 monuments historiques dont la mosquée Zitouna (la mosquée des oliviers), construite en 732 après J-C,qui en représente son centre. 

Le tracé des artères de la cité n’est pas organisé et hiérarchisé. La médina s’est, en effet, développée en fonction des activités sociales, économiques et politiques de la localité. Elle comporte, ainsi, plusieurs quartiers et une multitude de souks ayant tous une spécialité différente et organisés selon les nuisances liées à chaque métier. Le souk El-Koumache réservé, par exemple, à la confection d’étoffes et le Souk El-Attârine des marchands de parfums se trouvent à proximité de la Grande mosquée. Les ateliers que l’on considère moins propres ou dont la proximité avec les habitations n’était pas désirée sont, pour leur part, relégués aux bordures de la ville et à l’extérieur des remparts. Tel est le cas, à l’époque, des forgerons, serruriers, tanneurs ou encore des potiers. 

La médina de Tunis abrite également de nombreuses mosquées ainsi que des mausolées et nécropoles. Son monument le plus important reste, encore aujourd’hui, la mosquée Zitouna. Lieu de prière et de culte, sa renommée vient du rôle scientifique et culturel qu’elle tient depuis le VIIIe siècle, puisqu’elle a accueilli la première université islamique. A ses côtés, se sont développés, durant la période Hafside, des médersas, foyers d’étudiants, souvent localisés non loin de la Grande mosquée. 

© CC by SA, Médina de Tunis – Minaret de la mosquée Zitouna

Outre les habitations, la cité compte demeures et palais construits au fur et à mesure de son développement. Ces derniers sont, par conséquent, à l’image des différentes dynasties qu’elle a connues et présente un bel exemple de diverses influences architecturales. 

La Médina aujourd’hui : valorisation du patrimoine en tant qu’outil pour le développement

La médina de Tunis n’a que peu changé depuis la fin du XVIIIème siècle, constituant un « prototype parmi les mieux conservés du monde islamique ». Cette particularité lui a valu son inscription, en 1979, sur la Liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO. 

Face aux mutations socio-économiques, elle a néanmoins connu, avec le temps, une dégradation de son espace historique notamment. Ainsi, depuis les années 1960, son avenir a été assuré à travers plusieurs projets de conservation de monuments et de parcours qui comprennent son entretien, sa restauration et sa mise en valeur. L’Association de Sauvegarde de la Médina (ASM), en collaboration avec la Municipalité de Tunis, a élaboré une politique de sauvegarde en prenant en compte non seulement le patrimoine monumental, mais également le patrimoine immobilier social de la médina. En effet, aujourd’hui, le patrimoine « n’est plus considéré, uniquement comme valeur culturelle mais également comme un moyen de progrès et de développement ». 

© Morgane Desboeufs, Médina de Tunis – Patio d’une demeure.

La politique menée dans le cadre de la revitalisation du Centre historique s’inscrit dans une logique globale de développement durable. Parmi les derniers projets, l’on compte, notamment, la reconversion du palais Kheireddine en lieu culturel ; celle de l’église Sainte-Croix et de son presbytère abritant, à présent, un centre méditerranéen des arts appliqués ainsi que la restauration de la médersa Bir El Hajjar datant du XVIIIe siècle. La réhabilitation d’un nouveau circuit urbain, appelé « circuit des Andalous » a été achevé en 2016 et prolonge le circuit « de La Zitouna et de Sidi Brahim ». Ces projets visent à améliorer la qualité de vie des habitants de la médina et à sensibiliser ces derniers à la valeur de leur habitat. Ils répondent, également, aux enjeux liés au tourisme de masse et initie un projet profitant à l’économie locale. Grâce aux projets publics, des initiatives émanant de privés ont, en outre, pris place, ces derniers ayant, par exemple, décidé de réaffecter leurs demeures en restaurant, galerie d’art ou galerie artisanale.

Ces différentes initiatives favorisent une prise en compte globale du patrimonial mais aussi des problématiques sociales et culturelles ainsi que du développement économique de la médina. Elles font participer, par ailleurs, directement les citoyens à la valorisation de leur patrimoine historique en les incitant à l’entretenir et le préserver. Par là même, l’on semble reconnaître le rôle clef du patrimoine à contribuer aux objectifs sociaux, économiques et culturels ainsi que sa capacité à ancrer la société présente dans son passé et son futur dans une logique de transmission entre générations. 


Bibliographie

Abdelkafi, Jellal, La Medina de Tunis : Espace historique, Presse du CNRS, 1990. 

Revault Jacques, Palais et demeures de Tunis (XVIe et XVIIe siècles), Études d’Antiquités africaines, 1967. 

Riahi Narjess, Le patrimoine : moyen de progrès et de développement Expérience de la ville de Tunis, in Sainte-Croix : un patrimoine méditerranéen au cœur de la Medina de Tunis, 2019. 

UNESCO, Médina de Tunis, La Liste du Patrimoine mondial, https://whc.unesco.org/fr/list/36/

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