Le 30/01/2020 par Amel Boulakchour
En 2016, l’Unesco inscrit la fête de Noruz au cœur du patrimoine culturel immatériel de douze pays dont l’Irak [1]. Officiellement un jour férié en Irak depuis 2019, le 21 mars est célébré par des milliers d’hommes et de femmes comme la fête de Noruz (littéralement, le « nouveau jour ») qui marque le retour du printemps et surtout le début de l’année.
Héritage de l’Empire perse et de légendes diverses, la tradition de cette fête remonte au moins au IIe millénaire. Ce jour est particulièrement célébré dans les communautés minoritaires non arabes du pays : Kurdes, yézidis ou assyriens. Au sein de la communauté kurde, la fête revêt une importance spécifique puisque selon la tradition orale, elle marque la libération des habitants de Dehak, un tyran, qui aurait fait stopper la venue du printemps et condamner la population à offrir deux hommes par jour en sacrifice. Toujours selon la légende, un homme, Kawa aurait assassiné le tyran et allumé un feu au sommet d’une colline pour en informer les habitants. Il permit ainsi le retour du printemps et la libération du pays. Les kurdes utilisent, aujourd’hui, cette fête comme symbole de fierté et d’appartenance à la communauté. Le feu symbolise alors la liberté retrouvée.
Chaque année, les kurdes d’Irak se retrouvent dans la ville d’Akre, connue pour être la « capitale de Noruz ». Le mont Akre se trouve à cette occasion, couvert de drapeaux aux couleurs du Kurdistan et le défilé des flambeaux fait écho à la légende de Kawa.
Célébrant à la fois le retour du printemps et la nouvelle année dans toutes les communautés, ce jour représente le renouveau, la paix, l’harmonie et l’arrivée du printemps, moment important dans les sociétés rurales. C’est également un moment de rassemblement familial qui rythme la vie des habitants. Les célébrations varient d’une région à l’autre au sud et à l’est du Kurdistan, le feu et sa symbolique sont au cœur des festivités.
Les habitants se réunissent en plein air vêtus de tenues traditionnelles. Les chants et les poèmes rythment la semaine et permettent de transmettre les traditions aux plus jeunes. Si les commémorations durent environ deux semaines, elles sont ponctuées de rites spécifiques encore une fois propres à chaque région. Les célébrations ne sont pour la plupart pas religieuses mais culturelles et sont pratiquées dans les communautés musulmanes aussi bien que chrétiennes. Une d’entre elles veut que la famille se retrouve autour d’une table sur laquelle des objets représentant la vie, la richesse et la pureté sont présents. Un autre rite important consiste à faire un saut au-dessus d’un feu comme pour symboliser le passage à une nouvelle étape en se purifiant des erreurs du passé.
Cette fête a également fortement influencé la littérature kurde. On la retrouve dans plusieurs poèmes et œuvres littéraires à l’instar d’Ahmad Khani (savant kurde).
Le caractère politique et contestataire de la fête ne peut être écarté notamment depuis quelques années. En effet, l’interdiction des célébrations sous le régime de Saddam Hussein et désormais dans la Turquie d’Erdogan, réaffirme la prévalence du politique dans ces célébrations. Ce paramètre ne doit toutefois pas occulter la dimension profondément historique et humaine intrinsèques à ces rites qui se transmettent de génération en génération.