19/07/22 par Amel Aït-Hamouda

    « C’est une construction de type indigène couverte d’une chemise grecque » Stéphane Gsell

Dans un décor pittoresque où se mêlent le mont Chenoua, les ruines romaines et la Méditerranée trône le somptueux Mausolée royal de Maurétanie. Inscrit en 1982 au patrimoine mondial de l’UNESCO au titre de « Tipasa » puis, en 2002, sur la liste indicative du patrimoine mondial des « Mausolées Royaux de Numidie, de la Maurétanie et les monuments funéraires pré-islamiques », ce monceau de pierres de plus de 80 000 m3 est l’un des plus importants monuments de la Numidie en Algérie. L’Observatoire du Patrimoine d’Orient vous invite à plonger au cœur d’un ouvrage dont le mystère continue de captiver aussi bien les spécialistes que les visiteurs.  

Un Mausolée pas comme les autres 

Le Mausolée royal de Maurétanie au XVIIIe siècle James Bruce, 1730-1794, Tombe de la Chrétienne/Juva ans Cleoptra, ca.1769

Jadis boussole des pêcheurs du fait de sa position juchée au sommet de la colline du Sahel algérois à une soixantaine de kilomètres à l’ouest d’Alger dans la commune de Sidi Rached à Tipaza, le Mausolée royal de Maurétanie est une sépulture royale en forme cylindrique atteignant plus de 32 mètres de hauteur et 60,90 mètres de diamètre. 

L’édifice exceptionnel repose sur une assise carrée de pierres taillées comportant une partie cylindrique ornée de 60 colonnes et surmontées de chapiteaux ioniques. Le cylindre de base dispose de quatre fausses portes d’environ 7 mètres de hauteur, positionnées sur les quatre points cardinaux. Elles sont encadrées sur des chambranles et incrustées, en leur centre, par des moulures disposées en forme de croix. 

Découverte lors de la campagne de fouilles menée à la demande de Napoléon III en 1865, la vraie porte se situe dans le soubassement, en contrebas de la fausse porte de l’est.  Depuis cette porte étroite d’à peine un mètre de haut s’ouvre un couloir conduisant au vestibule. Sur le mur de droite se trouvent un lion et une lionne sculptés censés représenter les symboles de Juba II et de son épouse, Cléopâtre Séléné II. S’ouvre ensuite un second couloir qui mène à l’enceinte de l’édifice.

Aux origines numides

Aucune source scientifique ne peut avancer avec certitude la datation exacte de la construction du Mausolée. Néanmoins, l’hypothèse la plus répandue est que la sépulture fut édifiée en hommage à Cléopâtre Séléné II, épouse du roi amazigh Juba II et fille de la reine d’Égypte Cléopâtre VII et du général Marc Antoine.

On doit la première mention de cette construction au géographe romain Pomponius Mela qui la situe au premier siècle avant J.-C. et qui la nomme monumentum commune regiae gentis, c’est-à-dire le mausolée commun de la famille royale. Ainsi, il laisse entrevoir l’antériorité du monument qui appartiendrait au roi Bocchus II de la dynastie des rois maures. Cependant, l’historien Romanelli propose une autre période : le Ve ou le VIe siècle ap. J.-C., arguant du fait que sa géométrie s’inspire fortement du tombeau rond construit à Rome par l’empereur Hadrien. 

Appelé également à tort le Tombeau de la chrétienne[1] suite à une erreur de traduction, le Mausolée royal de Maurétanie ou Qabr al-Rûmiya, « Tombeau de la Romaine » en arabe, n’est qu’un faux-ami du mot rûmiya qui se traduit par « Romaine » et non par « chrétienne ». 

La légende de la vache et du trésor caché

Outre les mystères autour de ses origines, le Mausolée royal de Maurétanie alimente aussi de multiples légendes ayant pour objet un trésor caché. Un récit folklorique raconte qu’un berger aurait remarqué la disparition ponctuelle de sa vache. Intrigué, il prit la décision de la suivre discrètement et découvrit que, la nuit tombée, la vache accédait à l’édifice par une ouverture secrète. Curieux de savoir ce qui se cachait au sein du monument, le berger s’accrocha à la queue de la vache et, une fois à l’intérieur, il trouva des montagnes d’or, si bien qu’il devint l’homme le plus riche de la région. Nombreuses sont les personnes qui ont tenté de trouver des objets précieux, au point de recourir à la force de canons pendant la Régence d’Alger.   

Besoin impérieux de restauration

Aujourd’hui, les expansions urbaines dans les zones voisines dégradent graduellement le site, ce qui explique sa présence sur la liste des cent sites du patrimoine mondial en péril. Son importance civilisationnelle fait de sa préservation un impératif des autorités nationales. Le Mausolée royal de Maurétanie attend davantage que l’on panse ses blessures causées par les affres du temps, de la pollution ou encore des mains des pilleurs. Néanmoins, une lueur d’espoir subsiste grâce au plan de gestion du patrimoine formulé par l’Office national de Gestion et d’Exploitation des biens culturels protégés.  

POUR ALLER PLUS LOIN 

ENNABLI Abdelmajid, « L’art en Afrique du Nord. Son avenir. », in Patrimoine Mondial n°16, 2000.

LAPORTE Jean Pierre, KHERBOUCHE Farid, « Mausolées (princiers d’Afrique du Nord) », in Matmora – Mezrag, n°31, 2010.

 


[1] Ce nom remonte à l’époque de la colonisation française. La forme des quatre croix présente sur les fausses portes a, par ailleurs, répandu la fausse traduction. 

 

 

Marwa

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